L’histoire du camp
En 1942, l’industrie d’armement s’installait pour la première fois à Vaihingen en faisant des essais avec la catapulte du « V 1 » (nom de projet Fi 103) dans la carrière abandonnée par l’entreprise Baresel. Vaihingen était le lieu d’essai de l’institut de recherche Graf Zeppelin du ministère de l’aviation du Reich, qui a été installé en 1941 à Stuttgart-Ruit.
A la place des missiles, la catapulte Heinkel projetait de lourds blocs de fer contre la paroi de la carrière afin de mesurer la vitesse ainsi que l’accélération et la pression à l’intérieur de la catapulte.
Le camp de travail à Vaihingen/Enz
La situation géographique de la carrière qui était isolée et séparée de la vallée de la Enz permettait d’ y construire un des six grands bunkers prévus par l’état major des chasseurs aériens (Jägerstab), créé le premier mars 1944 à Berlin et dont la fonction était entre autre de transférer des entreprises d’armement dans des bunkers souterrains. Sur un terrain de 80 000 m², des pièces d’avion devaient être fabriquées pour l’entreprise Messerschmitt.
Au mois d’avril, l’organisation Todt (OT) commença l’installation du chantier « Stoffel » dans la carrière et les champs attenants. Parallèlement, des baraquements furent construits pour y entreposer le matériel et les outils, mais également pour y loger les travailleurs de l’OT de Egelsee et des travailleurs forcés de la vallée basse du Glattbach.
Le 6 mai, l’accès au chantier et aux baraquements fut interdit aux civils et les agriculteurs n’accédaient à leurs champs qu’en présentant un laissez-passer.
« Le camp SS des malades et convalescents »
Fin octobre, les travaux sur le chantier « Stoffel » furent arrêtés et le camp transformé en « camp SS des malades et convalescents » qui entrait en fonction officiellement le 1 décembre.
A cette époque, une autre baraque fut construite. A partir du 15 octobre, la plupart des prisonniers du camp de travail furent transférés à d’autres chantiers, ceux de Hessental, Dautmergen, Bisingen et Unterriexingen. Il restait à Vaihingen encore 178 prisonniers inaptes au travail, 200 autres travaillaient au déblayement de la carrière.
Le 10 novembre arriva le premier train de malades venant des camps du groupe « désert » . Parmi eux se trouvaient des Russes, des Polonais, des Français, des Italiens, des Grecs, des Belges, des Hollandais, des Norvégiens, des Allemands – en tout des prisonniers de 20 nationalités différentes. Ils étaient complètement abandonnés à leur sort, sans nourriture suffisante et sans chauffage dans les baraques. Le médecin allemand du camp se désintéressait totalement de leur état.
Même après l’arrivée de deux médecins supplémentaires de Neckarelz en janvier 1945, la situation ne s’améliorait pas. Les médecins manquaient cruellement d’équipement et de médicaments.
Un transport de prisonniers venant de Haslach le 16 février déclencha une épidémie de fièvre typhoïde qui faisait jusqu’à 33 morts par jour et transformait Vaihingen en un camp de la mort. Le dernier train avec 94 prisonniers de Mannheim-Sandhofen arriva à Vaihingen le 11 mars.
La libération
Début avril, l’évacuation du camp fut ordonnée. Deux trains amenèrent ceux qui étaient encore capables de marcher à Dachau où on comptait 515 hommes.
La libération du camp par les troupes françaises eut lieu le 7 avril. Le médecin de l’armée française, le Dr. Rossi, avançait le chiffre de 650 survivants restés au camp de Vaihingen et qui furent immédiatement transférés : le 9 et 10 avril, 73 prisonniers français, néerlandais et belges à Speyer et le 13 avril les Polonais, Russes et Allemands à Neuenbürg près de Bruchsal, où ils étaient mis en quarantaine jusqu’au début juin.
126 anciens prisonniers dont l’état ne permettait pas le transfer, furent admis à l’hôpital de Vaihingen, tout comme 60 autres prisonniers de Neuenburg.
Jusqu’à la fin de l’année, 84 d’entre eux mourraient et furent enterrés au cimetière de Vaihingen. Pour éviter une épidémie, les baraques du camp furent brûlées immédiatement après leur évacuation le 16 avril.
Les coupables devant le tribunal
La plupart des SS en charge du camp de Vaihingen furent arrêtés par les puissances d’occupation, puis emprisonnés et interrogés à Dachau.
Le 22 novembre, les Américains extradaient des gardiens SS vers la Pologne. Une année plus tard, ils furent traduits en justice à Radom. Le chef du « Arbeitseinsatz » Möller fut condamné à mort à Lublin.
En octobre et novembre 1947 eut lieu devant le tribunal français à Rastatt le procès contre 42 anciens membres du corps de garde SS des camps de Vaihingen, Unterriexingen, Hessental et Kochendorf qui avaient été sous le commandement de Lautenschlager
Dix accusés étaient condamnés à mort, Lautenschlager aux travaux forcés à perpétuité et huit autres libérés.
Le cimetière du camp de concentration
Déjà en octobre 1945, la ville de Vaihingen devait faire le cimetière du camp de concentration au-dessus de la fosse commune. Cependant, de mars à septembre 1954, les tombeaux furent ouverts par une commission française qui dégageait au total 1 488 cadavres. 223 morts ont pu être identifiés et transférés dans leurs pays d’origine.
Les dépouilles des victimes non-identifiées furent inhumées au cimetière d’honneur créé entre 1956 et 1958. Peu après l’inauguration le 2 novembre 1958, apparurent les premiers actes de vandalisme et des inscriptions ; d’autres profanations suivirent dans les années 1990, 2003 et 2005.
Des voix de protestations s’élevèrent, notamment lors des commémorations qui ont lieu régulièrement depuis 1977. Dans une cérémonie touchante, le gouvernement norvégien commémorait en 2005 ses morts qu’une plaque rappelle aux visiteurs du cimetière du camp de Vaihingen.